(La peinture sur toile de ce site a été réalisée en 2006 à Tizi Ouzou - par Ray Slim)
Notre maison d'édition est née d'une rencontre (en plein " hirak " algérien ), sur les réseaux sociaux, entre Beramtane Amimeur et Julien Pescheur. Les éditions Sefraber créées en 2006 avaient aidé les auteurs berbères francophones, utilisant le butin de guerre de Kateb Yacine, qui est probablement plus un poison qu'un trésor.
Vingt années après, on ne peut malheureusement que constater : Les peuples berbères parlent de moins en moins leurs langues et ne les écrivent toujours pas massivement ! Désormais il n'y a plus de locomotive Kabyle ! Les Berbères-Amazighs doivent s'organiser dans chaque région du nord de l'afrique en s'appuyant sur leurs fondamentaux.
" Les Berbères Amazighs ont subi l’enseignement de l’arabe dans leur pays d’origine comme une dépersonnalisation, à travers des manuels scolaires niant leur histoire et leur langue. Ils savent aussi que l’histoire médiévale et coloniale a été, pour eux, une tragédie culturicide. Il serait très regrettable que ce scénario se rejoue ici, en France, à leurs dépens. Les Berbères ne veulent pas de l’idéologie du royaume arabe prônée par Napoléon III, dans laquelle la spécificité berbère a été « oubliée », dans un joyeux amalgame entre langue et religion.
Il est bon de rappeler que l’enseignement du berbère, en France, est officiellement instauré en 1913 pour commencer d’une manière effective en 1915, à l’École des langues orientales de Paris. Le berbère est une langue de France, apporté par des milliers de Berbères qui étaient venus travailler dans les différentes régions de l’Hexagone. Le débat sur le statut des langues reste entièrement ouvert. Le berbère, à l’instar des autres langues, doit trouver sa place à l’école.
Salem Chaker[3], principal artisan d’une convention sur l’enseignement du berbère, entre l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) et la direction générale des enseignements scolaires de l’éducation nationale, rappelait en 1995[4] qu’en neuf ans, le nombre de candidats au baccalauréat ayant choisi le berbère en langue vivante III est passé de 1 350 à 2 250 pour toute la France. Et leur nombre ne cesse d’augmenter d’année en année. Rappelons en outre que paradoxalement, dans les pays d’Afrique du nord, des parents se ruinent pour envoyer leurs enfants dans des écoles privées francophones." ( Tassadit Yacine- Pierre Vermeren - Omar Hamourit - la langue maternelle des immigrés n'est pas l'arabe )
C'est grace à Carthage que le Grec est devenu la langue des intellectuels nords africains.Le grand Massinissa, le plus berbère des souverains fit donner à ses fils une éducation grecque. L’un deux , Micipsa, vivait entouré de lettrés grecs. C’est en grec qu’écrivait le roi numide HIEMPSAL dont Salluste a consulté les récits. C’est en grec que JUBA II, le roi berbère de Cherchell rédigea de nombreuses compilations.
Les Goths étaient entrés dans Rome, et les Vandales assiégeaient sa propre cité, mais en mourant Augustin laissait au génie de l’Afrique la pensée la plus durable dans l’œuvre la plus classique, nous laissant cet exemple du dualisme méditerranéen surmonté par soi-même dans l’unité de l’Esprit. On peut dire que par cet exemple, venu d’un Algérien, de ce pays toujours déchiré entre ses tendances extrêmes entre l’Occident et l’Orient, entre la passion et la raison, dès le Vème siècle , les possibilités du devenir culturel de l’Afrique du Nord étaient tracées. L’Afrique romaine gouvernée par les vandales, on pratiqua encore le latin à la cour des rois barbares où l’on menait une vie fort raffinée. Les écrivians comme Draconcius et Fulgence s’y pressaient pour célébrer, toujours en latin , la joie de vivre. Ensuite on observe une période de guerre, d’anarchie d’insurrections, avec le départ des Vandales, l’arrivée des Byzantins , la reconquête de l’Afrique par les romains d’orient, époques peu favorables à la vie littéraire.
De même que le punique et le grec s’étaient superposés aux idiomes berbères, le latin s’implanta en Afrique du nord au temps d’Auguste , puis le christianisme contribua à répandre largement le latin comme langue utilisée par les peuples berbères. Les deux principaux auteurs du début de l’ère chrétienne furent Florus et Manilius dont il y a peu à dire .C’est à partir du IIème sièce avec :Apulée : né à Madaure près de Tebessa, qui fit ses études à Carthage avant de parcourir le monde en quête d’aventures autant spirituelles que physiques.Fronton : né à Constantine , qui fut le maître à penser de l’empereur Marc Aurèle C’est avec eux que les écrivains africains s’imposent dans la littérature latine.Vinrent ensuite les animateurs de la littérature chrétienne d’Afrique; Tertullien qui est né à Carthage , violent passionné, en perpétuel état de révolte,Minucius Félix originaire de Tebessa , Puis nous arrivons à l’époque de Saint Augustin né en 354 à Soukh Ahras, de parents berbères romanisés : Monique née chrétienne et Patricius, son père, resté païen. Ecolier à Madaure, étudiant à Carthage, Augustin a mené une vie très mondaine adonnée aux plaisirs et aux passions. Il fut professeur à Carthage- Rome et Milan. C’est à Milan qu’il connut la fameuse journée d’illumination qui le conduisit à 33 ans au baptème chrétien. Devenu prêtre puis évêque d’Hippone ( l’actuel Annaba ) il le restera jusqu’à sa mort survenue le 28 Août 430 dans sa ville assiégée par les Vandales de Genséric.
Dans les siècles dits obscurs, voici le VII ème siècle avec l’invasion arabe. L’invasion arabe n’a pas eu pour conséquence immédiate de faire disparaître les parlers berbères, ni même le latin et le grec ; mais en donnant à l’Afrique du Nord , avec une nouvelle et durable religion, de nouveaux aspects ethniques et sociaux, elle lui a peu à peu donné aussi une langue liturgique : l’arabe du Coran, qui est devenue pendant des siècles son unique langue de culture donnant en 13 siècles une dizaine seulement de véritables auteurs algériens.
Dans l'anthologie des plus beaux textes de littérature arabe, parmi les 130 auteurs recensés, il n'y a eu qu'une dizaine d' auteurs algériens, au cours des 7 premiers siècles de l'Islam, la littérature arabe a été composée de récits et de descriptions faites par les historiens, les géographes, les voyageurs, tels que : El Yacoubi, El Bekri, Edrisi, Ez Zohri ou Ibn Batouta, mais ceux-ci n'étaient ni algériens ni même maghrébins. Il faut attendre les chroniques ibâdites d'Ibn Rostem au début du 9ème siècle d'Ibn Saghir fin du 9ème et les poèmes d'Ibn Rachid au début du 11ème siècle ainsi que la chronique d'Abou Zakariya à la fin du 11ème, tandis que la ville de Bejaia, capitale des souverains hammadites au 11ème siècle se révélait un centre intellectuel et artistique très animé.
Avec Sidi Boumédine , la ville de Tlemcen devient dès le 12ème siècle à l'époque des princes mérinides et abdelouadites le flambeau de la civilisation arabe..
Ibn Khamis au 13eme siècle a été considéré comme le plus grand poète de la civilisation tlemcenienne avec des poésies profanes, mystiques des panégyriques et des bucoliques. Le 14ème siècle fut certainement l’époque la plus brillante de Tlemcen ainsi qu'en témoigne l'historien Yahia Ibn Khaldoun frère du grand Ibn Khaldoun. Né à Tunis, sa carrière aventureuse s'est déroulée à Bougie, à Biskra et à Bône où il fut emprisonné. Il mourut assassiné à Tlemcen. C'est par lui que nous connaissons bien les fastueuses réceptions qui se donnaient à la cour du prince-poète Abou Hammou II, où les jeux de l'esprit et les fleurs de rhétorique charmaient une société exquisement policée. A la même époque le constantinois Ibn el Khatib décrivait dans sa Farisiya, les charmes analogues de la dynastie tunisienne des Hafsides. De 1332 à 1406 Ibn Khaldoun a mené une vie prodigieusement remplie. De l'Espagne jusqu'à l'Orient en passant par le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, il occupa des postes prestigieux. C'est à Taourzout près de Tiaret qu'il se retire pendant 4 ans et qu'il écrit l'introduction de l'Histoire des Berbères., répondant à une notion scientifique de l'histoire, il est le plus moderne des classiques arabes.
Pendant ce temps à ALger, Sidi Abderrahmane al Tsaalibi tentait de concilier le mysticisme des soufis et la Loi orthodoxe. Le déclin de la littérature arabe coïncide avec l'arrivée des turcs à partir du 16ème siècle. Les noms et les oeuvres remarquables se font assez rares, on note des oeuvres satiriques et populaires avec Ben Youcef de Mascara Benemsaïb de Tlemcen Bessouiket le barde du Chélif et Rahmouni de Constantine. IL fallut attendre la Renaissance de la culture arabe dans le monde au début du 19ème siècle. Celle ci commença en Egypte mais ne gagna que tardivement l'Algérie où l'implantation française ne pouvait guère la favoriser.
Pendant tout ce temps, la littérature Berbère n'est connue que par la transmission orale, on peut difficilement parler d'écrivains berbères. Pourtant cette littérature existe, souvent anonyme elle se perd dans la nuit des temps traditionnels et ses oeuvres sont difficilement datables. Il y eut de nombreux trouvères touareg et notamment la fameuse Dassine. Les kabyles , par leurs contes , parcourent toute la gamme de l'imagination populaire, du magique au religieux, du merveilleux aux récits de batailles, des énigmes amusantes aux légendes hagiographiques en passant par les fabliaux. La poésie kabyle va plus loin. C'est un chant profond. Pour la bien sentir il fallait qu'un équivalent poétique nous en fût donné en français par un poète capable aussi bien de l'éprouver du dedans que de l'exérioriser en Français, c'est ce qui se produit avec Jean el Mouhoud Amrouche et son recueil de Chants Berbères de Kabylie, ainsi qu'avec Marguerite Taos. Dès le début du 20 ème siècle : Si Mohand est le plus fameux des poètes kabyles. Le nom de Slaïl Azikkiou est également connu, ceux de Ouary Malek et de Noureddine aussi.
Et aujourd'hui qu'en est-il du monde littéraire berbère amazigh ?
-Le grand mérite dans l'entreprise de sauvetage du conte kabyle revient incontestablement à Auguste Mouliéras qui, entre 1893 et 1897, faisait paraître deux gros volumes de textes kabyles sous le titre de Légendes et contes merveilleux de la Grande Kabylie , dont Madame Camille Lacoste-Dujardin a donné une traduction intégrale en 1965.
-Dans une prose empruntée au conte, mais retravaillée et soumise à la contrainte qu’impose la volonté de l’écrit littéraire, Bélaïd Aït Ali, dont les pères Blancs ont publié, en 1964, Les Cahiers ou la Kabylie d’antan , a raconté des histoires qui tiennent à la fois du conte, du roman et de la confession, Déjà avant lui, mais avec moins de talent, Belkassem Bensédira avait, à la fin du siècle dernier, écrit des fables anciennes dans une prose littéraire. Ces deux tentatives demeurent encore isolées, de même que celle de Boulifa qui, au début de ce siècle, a composé un ouvrage en prose sur la Kabylie. La prose de ces trois pionniers se situe à mi-chemin entre celle du conte, dépouillée et concrète, et une prose moderne, imagée et plus intellectuelle.
-Sans chercher à polémiquer, force est de constater par exemple que les kabyles parlent le français mais l'écrivent mal ; ils écrivent l'arabe mais ne veulent pas le parler, ils parlent le berbère mais ne savent pas l'écrire. Il n'y a pas véritablement de demande massive d'apprendre à écrire tamazight, de plus des courants d'idées voudraient soutenir l'écriture Tifinagh sous prétexe que c'est la langue d'origine. On doit pourtant tenir compte que depuis au moins 2.000 ans cette écriture est surtout utilisée par les touaregs qui tracent leurs signes dans le sable essentiellement pour des raisons stratégiques., même si l’on constate une demande chez les berbères du Maroc, nous restons dans un phénomène très marginal. Le choix de -Tumast Tazrigt Amazigh d'offrir notamment aux enfants des livres de contes écrits en 2 écritures ( Français-Tamazight ) va leur permettre de donner une transcription écrite à ce qu'ils n'ont connu que dans l'oralité.
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